Conjuguer amour, travail et enfants est devenu la norme mais des freins subsistent et l'égalité professionnelle et personnelle est loin d'être atteinte.
Je travaille depuis presque trente ans sur l’égalité professionnelle ou plutôt les inégalités qui perdurent entre les hommes et les femmes en entreprise. Celles-ci étant souvent intimement liées à la sphère personnelle.
J’ai souhaité interviewer des couples qui s’en sortent pour comprendre les pièges dans lesquels ils ne sont pas tombés et les clés de réussite qu’ils ont appliquées. J’ai voulu faire de ce livre un recueil de bonnes pratiques, car ma conviction est que deux ambitions dans un même couple, certes c’est difficile mais c’est possible !
La crise sanitaire et le premier confinement ont révélé certaines inégalités à la maison notamment sur l’aménagement du temps de travail et de la garde d’enfants sous le même toit. Lors du premier confinement par exemple, dans la majorité des familles, parmi les personnes en emploi, c’est la mère qui s’est arrêtée de travailler (21% contre 12% des pères) pour s’occuper des enfants. *
L’équilibre vie pro / vie perso au sein du couple
Qu’il s’agisse de cadres en tout début de carrière ou très expérimentés ou de managers, en réalité tous les couples dont les deux membres travaillent sont concernés. Tous ont un point commun : leur épanouissement n’est pas uniquement professionnel, ils souhaitent aussi avoir une vie de famille équilibrée.
J’ai interviewé des personnes comme vous et moi et pour avoir une parole sincère et libre, j’ai garanti leur anonymat.
Des freins socioculturels persistants
C’est à la naissance du premier enfant, à la fondation d’une famille, qu’on les découvre le plus souvent.
Cela fait plusieurs générations maintenant que les femmes travaillent mais la société n’est toujours pas adaptée aux couples à double carrière, même s’il y en a de plus en plus. La parentalité est encore trop souvent vécue comme l’apanage de la mère. Les jeunes femmes d’aujourd’hui connaissent les mêmes problèmes de garde d’enfant que nos mères il y a plusieurs années !
Moins de 20% (19,3) des enfants de moins de 3 ans ont une place en crèche en France**. Or ce problème de mode de garde complique la vie des couples dont les deux parents travaillent et nourrit des discriminations systémiques entre les femmes et les hommes au travail.
Au moment de l’embauche, pèse sur les femmes un soupçon d’indisponibilité lié au fait qu’elles soient mères ou qu’elles le deviendront prochainement et cela se traduit souvent par des inégalités de salaires dès le premier emploi. Par la suite, comme elles assument encore la majorité des tâches parentales sans diminuer leur charge de travail***, elles se retrouvent souvent exclues des promotions dont les plus importantes ont lieu entre l’âge de 30 et 40 ans, pile au moment où elles ont des enfants.
L’asymétrie de carrière au sein des couples
Aujourd’hui, nous sommes dans une société de l’hyper parentalité. C’est un vrai progrès par rapport au temps où l’enfant n’était pas considéré comme une personne. Mais cette hyper parentalité nourrit parfois un perfectionnisme qui épuise les parents et les éloigne de leur couple.
Dans 75% des couples (chiffre INSEE), c’est l’homme qui génère le plus de revenus. En conséquence cette asymétrie entraîne des arbitrages de carrières en faveur de celui-ci, au préjudice de la femme. Ce qui peut entretenir une rivalité entre les partenaires.
La solution passe par la communication, la transparence et l’anticipation des décalages de carrière liés aux inégalités dans la sphère privée.
Manager ses ambitions professionnelles et personnelles
Il n’est bien entendu pas question de renoncer à ses convictions mais d’alerter sur les dangers de transformer son couple en meeting politique permanent. Je le dis surtout aux jeunes générations plus centrées sur leurs droits. D’expérience, l’importation de ses convictions en permanence dans son couple est vite nuisible pour celui-ci. La logique comptable est très conflictuelle.
Dans la réalité, les couples qui s’en sortent sont plus dans l’entraide mutuelle et dans l’équité, que dans la rivalité et la comptabilité.
Les couples à doubles carrières : véritable préoccupation pour les DRH ?
Bien sûr, la question des modes de garde est cruciale pour alléger la charge mentale des parents et faire progresser l’égalité. Parce que la parentalité est autant l’affaire des hommes que celle des femmes, faire de ce sujet un axe primordial pour les entreprises semble être un enjeu majeur.
Exemples de bonnes pratiques qui ont fait leurs preuves :
-
Proposer des places en crèches pour ses collaborateurs
-
Rendre obligatoire le congé paternité
-
Inciter les hommes à prendre un congé parental si tel est leur choix
-
Rédiger un guide parentalité pour accompagner les futurs parents
-
Instaurer chartes du temps concernant les plannings et les horaires de réunions importantes (jamais avant 9h ou après 18h par exemple)
Aujourd’hui, la parentalité est encore discriminante pour les femmes en entreprises. Aussi, les aides en matière de garde d’enfant représentent un levier majeur pour soutenir la parentalité des salariés-parents au sein des entreprises. Sur ce point, le Groupe La Maison Bleue, gestionnaires de crèches privées, répond à cet enjeu en accompagnant des entreprises à mettre en place une politique parentalité, déterminante pour favoriser l’équilibre vie pro / vie perso des couples.
D’autres dispositifs peuvent être mis en place :
-
Le télétravail qui permet de mieux concilier vie familiale et vie pro à condition qu’il ne consiste pas à « renvoyer les femmes à la maison », d’où l’idée de l’organiser dans des espaces de co-working plus proches du domicile.
-
Réduire les inégalités de salaires au moyen d’enveloppes de rattrapage budgétaire
-
Former et intéresser (au besoin financièrement dans les critères de la part variable de rémunération) les managers à des recrutements et promotions mixtes.
-
Favoriser la promotion des femmes même après 40 ans
-
Offrir des services permettant de mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle
D’une manière générale, les DRH pourraient intégrer davantage le fait que les hommes, comme les femmes, ont aussi des vies personnelles. Heureusement, on constate des progrès, surtout dans les grands groupes, où il devient « normal » pour les hommes de quitter une réunion plus tôt pour aller chercher ses enfants.
Il reste encore à faire pour réinventer nos façons de travailler et s’adapter au mieux aux nouvelles aspirations personnelles et professionnelles des salariés d’aujourd’hui.
Sources
*L'impact du Covid-19 sur l'emploi des femmes" Rapport de la Fondation des Femmes Mars 2021
**Drees, 2021
***Laboratoire de l’égalité